J'ai été trois semaines loin de mon ordinateur et de mon appareil photos mais il y avait toujours un peu de papier et un stylo pour penser océan.
J'ai le coeur océan
avec des vagues sages
qui viennent chavirer le long des failles des falaises
J'ai le coeur en confiance
naviguant grand largue
depuis Molène jusque Ouessant
J'ai le coeur au levant
lorsque la journée ne fait que commencer
sur l'estran mouillé au jusant
J'ai le coeur à la fête
offrant des dentelles d'écumes
à chaque vague qui s'éclate sur les roches en doux murmure
J'ai le coeur chantant
comme les fous de Bassan
jouant avec les voiles des bateaux passants
J'ai le coeur plein d'espoir
abordant des îles inconnues
assurément truffées de trésors car je veux y croire
J'ai le coeur océan
en vert, en bleu, en gris, en orange,
cet océan s'écrit de toutes les couleurs du temps.
Au clocher de nos océans,
il est l'heure de mes quarante ans
et une surface infinie liquide
pour y écrire une histoire.
J'avance, mes traces de pas dans le sable.
Mon ombre c'est en option.
J'avance sur l'estran en direction de l'eau
même si chaque vague efface un peu de mes pas.
Au clocher de mes quarante ans
il est l'heure de vivre.
Le couchant de nos existance arrive toujours trop vite.
Mon coeur océan m'invite à le suivre à chacun de ses battements
pour ne pas mourrir au levant du jour.
Je suis fou de Bassan
regardant l'océan depuis les vents portants
Je suis fou de Bassan
jouant des récifs et des îles.
Je suis fou mais pas tout à fait.
J'aime jouer avec les pêcheurs.
Ils ont le regard bleu quand la mer est bleue
Ils ont le regard vert quand la mer est verte
Ils ont le regard gris quand la mer est grise
Ils ont le regard absent quand la mer est lointaine
Ils ont des bateaux qui donnent de toutes les couleurs à l'océan.
Sans eux, les oiseaux seraient bien seuls sur cette eau salée.
Et moi fou de Bassan aux ailes blanches effilées de noir,
j'aime les suivre la nuit dans la blancheur électrique
des faneaux lumineux qui éclairent leurs chaluts.
Je suis fou de Bassan
et j'aime lire les nuances infinies du temps qui avance.
Du levant au couchant, l'eau, le vent, le ciel, changent à chaque instant,
inventant un tableau de maître unique,
visible à qui seul sait le regarder.
Je suis fou de Basan
aimant l'océan, les vents portants et les nuages qui passent.
Les continents en dérive
s'effritent sur leur rebords
sous les coups de butoir des lames océanes.
La pollution gagne jusque les roches, les plages,
et les chateaux de sable.
On ne peut plus lancer de bouteilles à la mer avec par dedans un message d'espoir,
tellement l'océan est blanc plastique d'Evian, de Vichy,
ou de Vittel.
Mon continent a le vague à l'âme
complétement sali par l'homme fou.
Vagues ou lames déchirent les falaises, les pentes en herbe,
et les maisons.
L'océan emporte avec lui le sable des plages
et tout le plastique, le verre ou le caoutchouc,
amarés au paysage à chaque nouvelle marée.
Quand je trouve un bois flotté, j'ai l'idée qu'il n'est plus de ce paysage.
Je le laisse en détresse dériver dans cette masse sale de détrituts.
Chaque vague qui chavire le long du rivage
est comme un rire parvenu depuis l'autre rive de l'océan.
Alors assise sur ma côte sauvage faite de roches et d'algues
je rigolle à mon tour
pour que là-bas aussi les vagues puissent chavirer de rires
dans le coeur des hommes de passage.